Genuine spirituality

Définir la spiritualité n’est pas chose facile, cela pour une raison évidente : elle appartient à la dimension transcendante du psychisme et plus généralement du cosmos, alors que nos raisonnements et nos définitions relèvent de l’intellect et de la rationalité. La transcendance relève de la symbolique, de l’ouverture, de la disponibilité, de l’éternité, alors que la rationalité a pour matériau de base la relation de cause à effet, la logique, le conflit permanent entre ordre et désordre, entre durée et finitude.

Représenter un phénomène transcendant sur le plan rationnel revient à projeter un objet 3D sur le plan horizontal, et à prendre cette projection 2D pour l’objet réel sans savoir qu’existe une dimension de plus que les coordonnées x et y. Une excellente métaphore était déjà utilisée par Platon pour illustrer cette incompatibilité : l’allégorie de la « caverne », dont les occupants (l’homme ordinaire) ne voient de la réalité extérieure que les images projetées sur le fond, alors que cette réalité est inondée de lumière et riche d’une autre dimension pour qui la contemple dans sa totalité (les Dieux et les philosophes).

Il y a donc bien longtemps que les hommes, du moins certains « initiés » savent que quelque chose d’essentiel manque à la condition humaine et à l’image du monde telles que les véhicule la culture. La spiritualité reste du fait de cette carence une (re)construction de l’esprit, un mélange entre représentations (intellect, croyances, dogmatique), sentiments (affect, frustration, espérance), fantasmes préfigurant l’existence d’une dimension transcendante (paradis, nirvana), et exigence d’une foi en une quintessence divine généralement inaccessible.

Le malaise est tel qu’un clivage systématique s’est installé entre cette aspiration universelle, dont se nourrissent les différentes religions, et le monde du paranormal. Les religions monothéistes y font allusion en de rares occasions rebaptisées miracles – ou œuvres du diable lorsqu’elles ne sont pas compatibles avec le credo en vigueur. Des miracles laïques feraient une concurrence déloyale à l’institution ecclésiastique, autant les exclure d’avance de l’appareil de croyances exposé en vitrine. D’autres religions, orientales notamment, respectent les facultés extrasensorielles comme autant de pouvoirs de l’esprit.

Un père catholique, le Père Bruno, voyageait de par le monde il y a quelques décennies pour combattre ce morcellement du spirituel. Il démontrait, dans ses conférences, que les miracles du Christ, les miracles des Saints, et les phénomènes paranormaux ne sont qu’une seule et même réalité. Une authentique spiritualité ne peut que rétablir cette évidence, balayée par des siècles de pouvoir clérical et de chasse aux sorcières.

La voyance n’est toutefois pas un gage direct d’élévation spirituelle. Nous sommes comme des aveugles lancés à la conquête d’une montagne dont nous n’avons que des on-dits et des fantasmes. Développer les visions serait comme retrouver la vue, savoir reconnaître les sentiers escarpés, éviter les précipices, les buissons d’épines, les détours inutiles, avec les fatigues et les souffrances qui en résultent inévitablement. Elles nous permettent aussi de contempler la magnificence du paysage qui se révèle à chaque étape – ce que Platon appelait la beauté absolue des Essences…

Point n’est besoin dès lors de l’image d’un père tout-puissant qui juge et pardonne sous condition, ou nous venge à l’occasion. Aucun pouvoir religieux ne peut s’installer ni exploiter des fidèles. Chacun trouve son guide en lui-même, ou par l’intermédiaire des facultés extrasensorielles de ses proches. Les Archétypes et leurs images chargées de symboles lui donnent accès à la signification transcendante de son destin. Le travail d’interprétation qu’ils appellent jour après jour le métamorphose en profondeur. L’énergie qu’ils dispensent le porte comme par magie, sans qu’il soit question de dogmes, de rites ou de liturgie. Il redécouvre peu à peu l’identité primordiale entre l’Amour et le Divin…

Une spiritualité authentique, fondée sur les potentialités naturelles de l’être humain, est bien loin de ce qui en reste dans notre culture et rime avec caricature…